Publié le 24 Octobre 2008
Avertissement
Cet article n'est pas de moi, il m'est offert garcieusement par "Mémé Mounic", se sont ses souvenirs et sa prose que vous lisez ! Personnellement je n'ai pas de souvenirs de ma mémé car elle me détestait
"Mémé, comme elle est bonne ta pâte de coings! Tu m'expliques comment tu la fais?"
-"Chut! après"...
C'est l'heure du sacro-saint "Sur le Banc", et comme chaque jour, on mange en écoutant Raymond Souplex lancer à Jeanne Sourza son inimitable "qu'est ce qu'on mange?"...
J'aime bien manger chez ma Mémé; ça sent bon sa maison: les pièces de savon de Marseille sèchent sur le haut du buffet. Eté comme hiver, la cuisinière à bois est allumée. Mémé est très contente! Elle la trouve moderne sa cuisinière avec son four et sa "bouilloire"...Moi, je la trouve belle, son émail bleu me ravit...
Ma mémé aussi je la trouve belle! Elle a des cheveux de neige qu'elle lave à l'eau de vie;
quand je lui demande pourquoi, elle me répond-"De l'eau sur la tête? Jamais de la vie! Tu sais bien que je "crains" des oreilles"...
Elle cuisine mieux que personne, mémé. Ses civets de lièvres ou de lapin de garenne sont renommés.
Chaque Noël, notre docteur de famille, Mr Mazard, qui habite à 25 Kms fait le déplacement; le poêlon de terre emmailloté d'un immense torchon noué aux quatre coins s'en va à Carcès sur la table du réveillon.
Quelques jours après, quand le docteur ramène le poêlon et qu'il dit "Madeleine, nous nous sommes régalés!", ma Mémé ne dit rien, mais dans ses yeux s'allume une petite bélugue (étincelle) de plaisir!
Le repas se termine; mémé arrête le poste. Un Radiola rigolo! Quand on cherche les stations on se voit dans la glace où sont écrits des noms de pays lointains:Budapest, Andorre, Roumanie...
Mémé dit"débarrasse la table, je vais refaire de la pâte de coings. Tu n'as qu'a regarder, c'est plus facile que de l'écrire"
Elle est maline Mémé.
Elle est fâchée avec l'orthographe parce qu'elle n'a jamais parlé que le Provençal....toute sa vie...
Elle dit toujours"Qué Français? On est en Provence, non?"...
Les coings sont sur la table, énormes, jaunes et duveteux. Mémé les essuie avec un torchon propre, puis les coupe en quatre sur la planche à hacher, retire les pépins qu'elle noue dans un carré de mousseline.
Elle met le tout sur la cuisinière, dans une bassine a confiture, avec très peu d'eau.
Quand les quartiers sont tendres, elle retire la bassine du feu et met de côté le jus de cuisson qui lui servira à faire la gelée (avec un kilo de sucre pour un litre de jus, mené lentement à ébullition et qui cuira une demi heure).
Avec les quartiers de coings, le travail est plus long...Elle les passe à la moulinette, et pour un kilo de fruits passés, elle ajoute 750 grs de sucre cristallisé. Le tout est remis dans la bassine, sur le feu.
Elle tourne le mélange avec une cuillère en bois, debout devant sa cuisinière pendant demi-heure. J'entends les petits "flocs" des bulles qui crèvent la pâte, on dirait des volcans!
Il fait une chaleur!
Mémé dit "lève-toi de là que tu es rouge comme un gratte-cul"!-" va préparer les assiettes, bouléguan!"
Vite, vite, je mets une nappe sur la table de la salle à manger et j'aligne les "siétons" où mémé fait couler la pâte de coings qui finit juste de bouillir; ça embaume la maison!Elle a une couleur brune, presque rousse; mémé me dit "elle est belle, qué?"
Moi, je pense déjà qu'il va falloir la retourner dans l'assiette tous les deux jours et attendre qu'elle soit assez sèche pour que mémé me dise enfin "-allez,zou, tu peux en manger!"
Croyez -vous comme je suis bête? Ma "grand" s'en est allée depuis longtemps enseigner aux anges les recettes de notre belle Provence, mais plus de quarante ans après, chaque fois que je fais la pâte de coings (moins bonne que la sienne, vous l'avez deviné), elle est toujours avec moi, ma Mémé, avec son beau tablier blanc et ses cheveux de neige...
Voilà, mes petites! Je vous fais de gros bisous...