Il y a un temps où j'écrivais pas mal de cagades dans ce genre, si mes souvenirs sont encore bons .
LA FUSTE* DE CABASSE
Bon Dieu que cette paillasse est dure se dit lou gran Zé en se réveillant il faudra que je la rembourre avec de la bonne paille un de ces jours.
Zè, diminutif de joseph était un homme robuste et très rustre qui louait ses bras pour tous les ouvrages , aussi bien agricoles et de bûcheronnage , que pour les travaux du bâtiment.

En ces années 50 le boum immobilier était encore aussi loin que Mars et la crise financière , dans une autre galaxie, nul ne se doutait de ce qu'il allait arriver. Alors on retapait doucettement afin que les maisons ne s'écroulent pas complètement.
Les travaux de maçonnerie étaient essentiellement à visée agricole ou du rafistolage de maison. Point de grands travaux, juste quelques emplâtres de ci de là. Beaucoup de paysans faisaient ces travaux tout seul ou aidé par un manoeuvre, et vous savez il fallait faire "petit", c'est à dire pas cher. On travaillait comme des tchapacans* car personne n'avait appris. Faire appel à un maçon , couquin dè sort, cela coûtait cher, il fallait casser la pignatte pour le payer.
Donc Zé ce jour là devait aider un paysan du village de Cabasse à poser une fuste* entre deux murs pour consolider un cabanon qui menaçait de s'écrouler. Il était un peu en retard car il était passé au bar se jeter quelques rouges dans le gosier, à l'époque le vin était encore considéré comme aliment pour les travailleurs de "force".
Moult coups de pédales plus loin, il arriva sur le chantier où il trouva le "patron" en train de se taper son déjeuner matinal sorti de son carnier*, quelques oignons blancs, du pain et un morceau de lard, et la bonbonne de rouge évidemment.

Le café on connaissait pas , ici tout carburait au rouge pas cher. donc Zé en profita pour se "charger" un peu en prévision du travail de la journée.
Il fallait faire deux trous face à face pour introduire une poûtre, ce que ces deux couillons ne savaient pas c'est qu'il fallait faire un trou plus profond que l'autre afin que la fuste ait le débattement nécessaire pour porter également sur les deux murs.
Le paysan avait coupé une belle pible* bien droite et plus longue qu'il ne fallait, car il couperait ce qui serait en trop.

Lei traou ben fa mé la massette et mé l'aiguille* (les trous bien fait avec la massette et l'aiguille) il fallut faire renter cette poutre. Fan de pute , pas de mètre pour mesurer.
Cela n'aurait pas trop changer la choses car les mètres pliants en bois sont toujours amputés sur leurs dix premiers centimètres (bizarre constatation mais c'est bien vrai), la faute aux accrochages répétés, alors le système métrique et bé il n'est pas trop juste ici , cela dépend 96, 88,ou 94 cm peut être, et cela était source de bien de calculs compliqués pour arriver à "tout faux" en général. Même ceux qui avaient le Certificat d'étude en poche ils étaient mal barrés avec des mètres de ce genre.
Qu'à cela ne tienne, nous avons les mesures anciennes, lou pan (empan*) lei dès (les doigts) la tible (truelle) et la martelette, et puis la ficelle. Merdarum pas de ficelle. Zé en vait une mais il se garda de le dire car c'étaient celles qui tenaient sont pantalon et qui servaient de bretelles, pas si bête que ça le Zé
Et voici ces deux ensuqués, un par l'alcool et l'autre de naissance , sans doute , qui essaient de mettre cette fuste en place.
- oh zé combien il faut en couper ?
- per lou moument , une martelette, une tible quatre dei, et enca paou (pour le moment , une martelette, une truelle quatre doits et encore un peu)
Encore un peu représente les millimètres je pense !
Et zou un coup de loube* per enléva lou mouceou (pour enlever le morceau)
- fan de chichourle elle encore trop longue
Et re-zou maï * un coup de loube.
Tchilin, tchilin*, ils se rapprochaient avec des mesures bien à eux , genre encore un poil de couille et c'est bon.
A la fin la fuste entra, mais au moment de la poser dans les trous , Le paysan était court, il tira un peu et c'est le coté de Zé qui sorti du trou.
- Oh maistre, es un paou fouar aco cresi qué la fuste es un paou courtou deï deu cousta. (oh maistre* c'est un peu fort ça, je crois que la poutre est un peu courte des deux cotés)
Cette histoire alimenta longtemps tous les Bars , Caroulets* et autres maldisants du coin. Depuis lorsque les choses se présentent mal on dit : coumo la fuste dé Cabasse, couilloun
La génération McDO, Malboro, Carambar , Laser et Net ne connaitra pas ça, dommage , ça fait de beau souvenirs
*Fuste : poutre de chêne pour les riches et en résineux pour les pauvres
*Carnier : en général gibessière (gibasse veut dire grosse bosse en grovençal, gibe = bosse, Gibù = bossu) en cuir, mais qui servait à tous les usages
*Pible : peuplier
*Empan : mesure ancienne mais encore employée en Provence, distance représentéepar la main grande ouverte entre l'extrémité du pouce et du petit doigt, environ 20 cm
*Loube : scie à deux mancherons à la lame souple , peux s'utiliser pour refendre des planches ou abattre de gros arbres
*Maï : encore
*Tchili-tchilin : doucement , pas vite mais surement
*Maistre : ici n'est pas employé comme maître , mais putôt comme "oh, l'homme", ou chef
*caroulet : lieu où se rassemble des personnes tous les soirs pour "papoter" de tout et de rien , mais qui vous "habille" vite fait (je ferai un article sur les caroulets qui disparaissent)